Fragonard, l’invention du bonheur, roman de Sophie Chauveau, esquisse un portrait sans concession, au vitriol, des hautes sphères d’un monde finissant : la Monarchie jette ses derniers feux.
L’histoire de Fragonard, l’invention du bonheur
Dans le Paris du début des années 1760, la Monarchie absolue semble éternelle, et déjà vouée à disparaître. Fragonard est l’inventeur d’un bonheur nouveau, un peu artificiel, qui tend à redonner un sourire à un monde dont les amusements, les joies et même les peines sonnent creux.
Avec Sophie Chauveau, nous accompagnons Fragonard depuis la ville de Grasse, baignée de lumière, jusqu’aux ruelles sombres, pour ne pas dire sordides, de la capitale. Nous découvrons l’ambiance particulière, entre passion et détachement, effervescence et quiétude, qui règne dans les ateliers de Chardin ou encore de Bouchet, à l’école de Rome, dans un Louvre qui n’était pas encore le musée que nous connaissons aujourd’hui, mais qui accueillait déjà les artistes, anticipant sur sa vocation future de grand musée international. Nous nous glissons entre les lames froides des poignards et les flacons aux mortels élixirs, approchant de près quelques-unes des intrigues qui foisonnaient alors et qui débouchaient parfois sur la mer, nous frémissons à l’horreur de la valse des corps sans tête, quand la Terreur révolutionnaire a, pour sauver la Liberté, imposé un absolutisme qui dépasse les pires exactions des monarques absolus, nous contemplons le flamboiement déroutant et volage de l’Empire.
Jean-Honoré Fragonard a réussi à se faufiler à travers les embûches d’un demi-siècle particulièrement troublé. Sa passion l’a porté au-dessus des flots tumultueux des passions communes : la peinture. Il préfigurera, avec plusieurs décennies d’avance, le travail des impressionnistes, et s’est vu confié par Napoléon le rôle prestigieux et la tâche titanesque de premier conservateur du musée du Louvre.
Pourquoi faut-il le lire ?
Il signait ses tableaux du diminutif « Frago ». Avec Fragonard, l’invention du bonheur, la romancière Sophie Chauveau ne se contente pas de nous raconter la vie d’un homme, et l’histoire d’un personnage dont les multiples facettes lui donnent une dimension et une envergure étonnantes : elle nous raconte aussi un temps, une époque, ses élans et ses vicissitudes.
Ce livre rend hommage à un artiste peu connu, un amoureux des arts et des artistes, et témoigne d’une époque qu’on ne connaît guère sous un prisme nouveau, celui de la culture.