Louise d’Auzay
Ce roman historique adopte un point de vue rarement abordé dans la littérature consacrée au bagne : celui des hommes qui surveillent les prisonniers condamnés aux travaux forcés, et qui partagent avec eux ce même enfer.
Résumé et histoire : Les oubliés de l’enfer vert
1923. La France, sortie victorieuse de la Grande Guerre, doit composer avec une population saignée par les combats et par l’épidémie de grippe espagnole. Le bagne doit recruter des gardiens pour combler des effectifs insuffisants.
Charles, jeune étudiant parisien, a vécu des drames personnels terribles qui le poussent à accepter un travail dont il ne connaît rien, vers une destination lointaine et souvent fantasmé : la Guyane. Il s’imagine refaire sa vie et laisser derrière lui les cicatrices de son passé. Mais la désillusion est terrible, et l’enfer vert engloutit rapidement ses illusions. Dans les bagnes de Saint-Laurent-du-Maroni de Saint-Laurent-du-Maroni, la chaleur étouffante, les maladies et la violence conduisent les hommes au désespoir.
Mais un charnier est découvert par hasard. Plusieurs prisonniers, disparus dans l’indifférence générale, sont retrouvés assassinés au milieu de marais perdus dans la jungle. Charles, aidé de quelques compagnons d’infortune, entreprend une enquête périlleuse. À qui peut-il se fier, quand la corruption s’est répandue à tous les niveaux de l’administration ? Le danger menace les hommes en quête de vérité.
Titre : Les oubliés de l’enfer vert
Auteur : Louise d’Auzay
Editeur : City Edition
Date de sortie : 26 juin 2024
Format : Poche
Nombre de pages : 304
ISBN-10 : 2824623713
ISBN-13 : 978-2824623719
Avis d’un lecteur : pourquoi faut-il le lire ?
Des romans historiques sur le bagne, il en existe déjà beaucoup. Les travaux forcés fascinent et alimentent les fantasmes. Mais la quasi-totalité a été écrite par des bagnards qui racontent leurs souffrances et les brimades subies. Louise d’Auzay a opté pour un angle de vue différent, celui des gardiens de ces lieux de détention du bout du monde.
Très vite, nous prenons conscience que ces hommes partagent un quotidien en réalité proche des détenus qu’ils surveillent : les maladies qui pullulent dans ce climat étouffant, l’insalubrité des locaux, la nourriture parfois chiche transforment également leur vie en enfer. L’amateurisme qui apparaît en filigrane est effrayant. La formation est inexistante et le personnel de la « tentiaire » doit apprendre sur le tas comment remplir des missions périlleuses avec des moyens limités. Nous prenons également conscience de l’injustice imposée aux hommes (et aux femmes) enfermés dans ces lieux. Les transportés (l’une des catégories de bagnards) sont par exemple soumis au doublage et doivent demeurer en Guyane pour une durée équivalente à leur peine. Pour les relégués, la sanction est pire : l’enfer vert demeurera leur seul horizon jusqu’à leur mort. Mais qu’attendre de femmes et d’hommes affamés et livrés à eux-mêmes dans un environnement hostile ? Ce livre engagé démontre par l’exemple l’absurde du système des travaux forcés en France, sans grands discours car la vérité des faits suffit. Le bagne éloigne, le bagne punit, le bagne force à l’oubli et à la désespérance.
Louise d’Auzay nous offre ici un excellent premier roman, porté par une plume alerte au rythme soutenu. Les phrases courtes, incisives, contribuent à immerger le lecteur dans sa lecture. L’intrigue principale arrive dans la dernière partie du livre, mais le récit est portée par d’autres attentes et la force évocatrice du style de l’autrice : on a d’abord hâte de découvrir le bagne quand on accompagne Charles sur le bateau, puis l’intérêt rebondit à nouveau après quelques dizaines de pages grâce à la mutation du héros dans un autre camp. La découverte des corps et l’enquête qui l’accompagne vous accrochent jusqu’à la dernière page.
Une fois le livre refermé, vous regretterez de ne pas partager plus de temps en compagnie de Charles. Et c’est le signe d’un bon livre.